L'Occitanie, cinema paradiso ?
Multiplication des acteurs de la filière, création originale… Depuis plusieurs années, et avec le soutien du plan régional « Occitanie, ça tourne ! », le territoire est devenu une région incontournable et un vivier de talents pour l'industrie cinématographique française et européenne.
Les esprits s’animent dans la salle d’écriture. Les idées fusent, parfois bonnes et parfois moins. Mais toutes font avancer les choses. Car cette réunion a un objectif clair : penser la prochaine série de TF1, sobrement intitulée Panda. A posteriori, Thomas Mansuy et Mathieu Leblanc, créateurs et scénaristes de la série, évoquent ce processus de création comme long et empli de doutes, de rencontres, d’improvisation et de changements. À l’origine, la série devait prendre place dans les calanques marseillaises. Mais Thomas Mansuy avoue que l’amour pour la Camargue de Julien Doré, qui interprète le rôle principal, a fait changer la donne, amenant l’équipe à relocaliser l’action de la série. Une aubaine pour la Région Occitanie qui commence à se faire une place de choix dans l’horizon cinématographique. Un horizon marqué par l’apparition de l’intelligence artificielle (IA), qui vient interroger la place des créatifs de l'industrie, comme l’a récemment montrée la grève des scénaristes à Hollywood. Dès lors, quel est l’avenir d’une filière dans laquelle création rime avec passion ? C’était le sujet de la masterclass « Faire émerger de nouveaux récits » organisée en décembre dernier à la Cité de l’Économie et des Métiers de Demain portée par la Région Occitanie.
L’importance de l’expérience humaine
Ces questions existentielles sont au cœur de la nouvelle « Cine qua non » de l’auteur Thomas Cadène, lue par les comédiennes Hélène Pequin et Delphine Broussous en introduction de la masterclass. Dans ce récit futuriste imaginé pour l'occasion, il nous conte l’histoire de Leila, une quarantenaire qui a toujours voulu travailler dans le cinéma. Il évoque notamment la nécessité d’un cinéma humain, loin de l’IA. Si un algorithme peut créer ce que nous sommes censés vouloir voir, où est passée la singularité de la touche humaine ? Surtout, un avenir où l’IA remplace le processus créatif est-il envisageable ? « Non », répondent à l’unanimité les scénaristes Sarah Beaulieu et Fabien Adda et le directeur de production Luc Pourrinet. Une intuition des pros du secteur confirmée par une récente étude du CNC sur l’impact de l’IA dans les filières du cinéma, audiovisuel et jeu vidéo : l’intelligence artificielle sera un outil plutôt qu’un ennemi.
« Je ne suis pas vraiment inquiet [à propos de l'IA].
Je pense que ça va être chouette, ça va être un outil qui va nous accompagner mais qui ne va pas nous remplacer »
-Fabien Adda, scénariste et directeur de collection -
Si les artistes voient d’un bon œil l’apport de l’IA dans leurs métiers, c’est qu’ils partagent tous la même idée que les expériences multiples et l’hybridation des compétences sont la clé pour devenir un créatif du septième art, notamment pour les scénaristes. Ainsi, Sarah Beaulieu a mis sa curiosité et son esprit touche-à-tout au service de son parcours. Avec succès : aujourd’hui, elle est scénariste et narrative designer pour des jeux vidéo, notamment Assassin’s Creed Mirage. « Je viens du cinéma et, comme j’aime raconter des histoires au sens large, j’ai eu envie de me diversifier dans l’art de l’écriture et de faire plein de choses. C’est comme ça que je suis arrivée dans le jeu vidéo », retrace-t-elle lors de la conférence. Un parcours qui ravit Luc Pourrinet, directeur du développement des Écoles ArtFX et consultant pédagogique pour l’École 24. Lui-même issu d’un itinéraire professionnel rempli de changements, il milite aujourd’hui pour intégrer plus de diversité dans les cursus : « si on arrive à hybrider les parcours, les recrutements et les rythmes d’apprentissage, on devrait arriver à sortir des choses vraiment intéressantes. »
L’Occitanie, terre de talents
Alexia Garcia, scénariste-apprenante, a pu faire l’expérience de cette hybridation via son compagnonnage avec le scénariste Fabien Adda. Le dispositif est à l’initiative de la Cité européenne des scénaristes, qui a ouvert l’année dernière un centre de compagnonnage dans la région occitane. Une expérience enrichissante pour le·la mentor comme le·la mentoré·e, font valoir les scénaristes. Alexia Garcia n’a pas suivi de formation classique mais avait un profond désir d’écriture et une volonté de raconter des histoires. La fusion de leurs deux âmes artistiques a permis à chacun de grandir et d’appréhender l’écriture scénaristique de façon différente. « Elle m’a apporté une autre vision sur le monde qui nous entoure ce qui a enrichi et a permis de compléter la mienne […] elle a une approche de la création des personnages à laquelle je n’avais jamais pensé en quatorze ans de métier », loue le scénariste.
Cette initiative vient s'ajouter aux autres écoles qui s’implantent à Montpellier, à l’instar de ArtFX et de Motionrama, affirmant l’ambition de « paradis de cinéma » de la région, comme conté par Thomas Cadène. Mais l’Occitanie peut-elle prétendre à devenir une terre emblématique du septième art ? Pour Sarah Beaulieu, c’est déjà un lieu de « bouillonnement qu’on ne retrouve pas ailleurs ». Pour Luc Pourrinet et Fabien Adda, les talents se trouvent là-bas alors il va de soi que de nouveaux studios ouvrent.
« L'Occitanie, un bouillonnement qu’on ne retrouve pas ailleurs »
- Sarah Beaulieu , Narrative Director Ubisoft -
Alors que manque-t-il à la région du sud de la France pour attirer encore plus les professionnels du cinéma ? Pas grand chose, estiment les spécialistes. Sarah Beaulieu aimerait voir le jeu vidéo se développer davantage ; ses pairs estiment qu’il ne manque plus que l’arrivée des producteurs pour que l’écosystème soit mature. De belles perspectives qui, ils l'espèrent, feront de la région Occitanie le lieu idéal d’une création cinématographique centrée sur l’humain.
Pour en savoir plus sur la filière du cinéma en Occitanie
téléchargez le cahier 2050 : L'ODYSSÉE DU CINÉMA !