L’hybridation du temps de travail, ce n’est pas que le partage de son temps entre le domicile et l’entreprise, ou la fragmentation de la semaine entre présentiel et distanciel. Et si on ouvrait le temps travaillé pour participer à des projets à impact en faveur de nos territoires, de la société, de la biodiversité ?
Le travail hybride, une réponse à la quête de sens ?
C’est un fait, appuyé par de nombreuses études : les salariés sont en quête de sens. La dernière en date publiée par le Projet Sens est claire : 43 % des actifs envisagent de quitter, dans les deux ans, leur emploi pour un autre ayant plus de sens.
L’équilibre entre travail et implication dans la cité est pour beaucoup devenu une obsession, en particulier pendant et après la pandémie. Les besoins des équipes changent, et les ressources humaines cherchent à accompagner cette transition. Il faut dire que l’hybridation du travail, telle que définie plus haut, peut constituer un atout non négligeable pour la marque employeur : qui n’a pas envie de rejoindre une entreprise qui permet de se consacrer à un projet d’intérêt général ?
Cette définition de l’entreprise hybride est notamment portée par la philosophe Gabrielle Halpern. « L’entreprise hybride est une entreprise en hybridation continue, qui fait sans cesse des ponts entre différents mondes, métiers, activités, secteurs ». Une entreprise qui prend donc toute sa part dans la société, et qui est « la seule manière d’échapper à la cristallisation, à l’enfermement, à la stérilité. »
Pour l’autrice de Tous centaures ! Éloge de l'hybridation, cette notion doit irriguer tous les niveaux de l’entreprise : « Cela doit se traduire en matière de recrutement, de formation professionnelle, de management, de culture ou encore de stratégie ». Mais comment faire, concrètement, pour devenir hybride ?
Comment s’engager en collectif pour un impact positif sur son territoire ?
Est-ce bien raisonnable de vouloir consacrer son temps de travail à autre chose qu’à la sacro-sainte productivité ? Comment dégager ce temps de partage et d’investissement sans compromettre les intérêts économiques des organisations ? Comment, enfin, trouver les bonnes modalités pour s’assurer que cet investissement ait un véritable impact ?
Depuis deux ans, la Cité de l’Economie et des Métiers de Demain s’efforce de répondre à ces questions aux côtés d’entreprises volontaires de la Région Occitanie, grâce à un cycle d’expérimentations et de réflexions. Avec un objectif : accompagner ces entreprises dans un processus de réflexion et d’action pour faire de l’Occitanie la première Région à économie positive. Concrètement, ce travail collaboratif s’incarne au cours d’ateliers d’expérimentation, dans lesquels les entrepreneurs locaux et associations portant des projets à impact, sont amenés à discuter, réfléchir et questionner ensemble les modèles du travail de demain. Ces ateliers sont divisés en plusieurs temps pour permettre aux idées de prendre forme, allant de la réflexion individuelle sur l’hybridation du travail à la création de modèles quasi-complets sur la manière dont l’hybridation pourrait s’appliquer, en passant par des temps de travaux sur des idées et formes contraignantes.
Et le processus sème déjà des graines. Patrice Brochier, fondateur et co-gérant de NaïtUp, société de fabrication de tentes sur toit de voiture made in France, a installé son entreprise dans le Volvestre, en Haute-Garonne. Après avoir participé aux ateliers en 2023, il décide de laisser ses 25 employés s’emparer du sujet du travail hybride au sein de NaïtUp. « Les individus qui travaillent dans l’entreprise font aussi partie de cette communauté locale. L’idée est donc qu’ils puissent eux-mêmes être encouragés à avoir un impact positif sur cette communauté », explique-t-il. L’entreprise expérimente, donc : une fois par mois, une demi-journée de quatre heures de travail sera dédiée à un projet hors de la structure. « Soit des projets identifiés et proposés par l’entreprise aux collaborateurs, soit des projets que les salariés peuvent eux-mêmes choisir et proposer. On envisage ensuite une sorte de comité de sélection pour que l’entreprise s’engage avec telle association sur tel projet sur un, deux ou trois ans », précise l’entrepreneur.
En Occitanie, il ne s’agit plus uniquement de questionner le futur du travail mais d’agir, en expérimentant de nouveaux modèles et en créant ensemble les modalités pour y arriver. Les TPE/PME locales, comme NaïtUp, doivent toutefois encore faire face à un enjeu : concilier cette volonté d’ancrer leur entreprise dans une économie positive et un territoire, tout en continuant à créer de la valeur. Seule l’expérimentation et l’accompagnement nous diront comment cet élan vers un temps de travail hybride pourrait s’intégrer naturellement aux réalités économiques locales. Avant de, pourquoi pas, inspirer et essaimer dans d’autres entreprises ou d’autres organisations.