Autour des métiers de l’artisanat et de la symbolique de la main, le corps reprend ses droits dans les projections du futur. Une façon de redonner de la chair à un imaginaire souvent virtuel et désincarné.
Ce mardi 14 novembre, à la Cité de l’Économie et des Métiers de Demain porté par la Région Occitanie, on s’intéresse de près à l’« ART-ISANAT ». « Dans les métiers de demain, il y a trois pans, pose Laetitia Montanier, directrice de mission à la Cité de l’Économie et des Métiers de Demain (CEMD). Les métiers qui n’existent pas encore, ceux qui vont se transformer et ceux qui existaient hier, aujourd’hui et demain, comme les métiers de l’artisanat ». Ce soir-là, la CEMD, en partenariat avec Club4RSE et la Chambre de Métiers et de l’artisanat de l’Hérault, met en lumière ces derniers et leur rôle capital pour l’économie de demain. Autour de la table, Marie-Églantine Delcher, cheffe cuisinier et cheffe sommelière qui a exceptionnellement quitté son resto à l’heure du service pour parler de son métier ; Angeline Clermont, Maître Verrier ; Docteur Gero Meyer Zu Reckendorf, chirurgien de la main ; et Vincent Valloir, entrepreneur du numérique qui a construit une plateforme pour mettre en lien porteurs de projet et artisans. De l’artisanat et aussi de l’art, avec l’artiste international Ghass Rouzkhosh et, Golan Rouzkhosh dirigeant de GRK Media Group Paris. Tous ont pour point commun de travailler avec leurs mains – « l’instrument des instruments », écrivait Aristote dans son ouvrage Parties des animaux, élevant ainsi la main au rang d’outil absolu. Un outil « beau, fragile et complexe », qu’il convient de laisser se reposer, rappelle le chirurgien.
Remettre le corps au centre
« Dans nos sociétés, on met énormément le virtuel en avant, décrit Laetitia Montanier. On parle de digital, de blockchain, de métavers, d’intelligence artificielle… on est en train de façonner le futur, ou d’en faire une projection imaginaire, avec des éléments virtuels. » Or,, tout part du réel, et donc de la main. Les co-organisateurs se sont inspirés du livre La Main qui pense, de l’architecte finlandais Juhani Pallasmaa (Acte Sud, 2013). La main est le reflet de l’intelligence humaine et aide à la matérialiser. « Il faut se questionner sur le réel, et donc ce qu’on fabrique avec la matière et la main, avant de se plonger de manière pertinente dans les révolutions technologiques, comme l’IA par exemple. Qu’est-ce qu’on délègue et qu’est-ce qu’on garde ? Comment se positionner en tant qu’hommes et femmes ? Ce sont nos atypismes et nos singularités qui nous feront cohabiter avec l’IA » précise Laetitia Montanier.
Par sa nature même, l’artisanat remet au centre ce corps « qu’on a souvent laissé de côté dans les sociétés occidentales », résume Fadilha Benammar Koly, conseillère régionale venue représenter la présidente de la Région Occitanie, Carole Delga. Une richesse d’autant plus importante que les métiers de l’artisanat, incarnés, ne sont pas délocalisables et agissent au contraire comme un pôle d’attractivité, porteur d’un narratif d’art et de tradition, souligne l’élue.
De la RSE sans le savoir
Les métiers de l’artisanat sont par ailleurs incarnés et intuitifs. Venus à cet événement pour parler de RSE, plusieurs des intervenants reconnaissent n’avoir découvert ce terme que très récemment. Qu’à cela ne tienne, ils pratiquent la responsabilité sociétale instinctivement, presque par nécessité. « Nous sommes naturellement porteurs d’une sobriété », expose Angeline Clermont. Économie des matières, des ressources, des mouvements, du temps aussi, dit celle qui reconnaît que les artisans peuvent vite s’épuiser en assurant leur propre promotion via les réseaux sociaux. « Pour nous, l’humain est central, renchérit Marie-Eglantine Delcher. Nos métiers vont plus loin que l’aspect financier. »
« Les artisans font de la RSE sans le savoir, faut-il le verbaliser ? », interroge Laetitia Montanier à la tribune ? Oui, répond-elle après coup, de concert avec Gills Robert, Président du Club4RSE. D’abord, les très petites entreprises pourraient bientôt être elles aussi soumises aux réglementations de RSE. Ensuite, grâce à leurs pratiques naturellement responsables, elles pourraient influencer les plus grandes structures. Dans tous les cas, « je préfère que l’on fasse de la RSE sans le savoir plutôt que de la RSE washing », conclut Fadilha Benammar Koly.
L’art comme porteur d’émotion
L’art peut aussi être un puissant véhicule pour faire progresser les idées. Sur scène, l’artiste Ghass Rouzkhosh, accompagné de Golan Rouzkhosh, en charge du programme Art4RSE, diffuser l’art dans les entreprises, racontent comment son art est devenu un canal pour transformer ses souvenirs de guerre, dans une impulsion de « souffrance et de désir total ». Celui qui a sculpté le trophée du meilleur joueur de la ligue 1 de football dévoile à la Cité de l’Economie et des Métiers de Demain sa Marianne, un buste en bronze inspiré de Mahsa Amini, cette iranienne de 22 ans dont la mort après son arrestation par la police des mœurs a déclenché une vague de contestation en Iran. Dans la salle l’émotion est palpable. Cette sculpture sera installée à Paris, à l’Assemblée Nationale et sera également installée dans plus de 12 communes à travers le monde, explique l’artiste. Une façon de célébrer le courage des femmes iraniennes, et d’incarner la puissance symbolique des corps.
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